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jeudi 25 août 2011

Profession : Touriste


Les vacances sont faites pour se reposer, dit-on. En réalité, partir en vacances est tout un travail. Il faut d’abord étudier les différentes façons de parvenir à la destination de son choix (voiture, train, avion), trouver la meilleure formule (eBookers, Easy Jet ou pas, avion ou ferry, autoroute ou route nationale), choisir un hôtel (près de la gare ou centre ville, consulter Trip Advisor, comparer les prix) et enfin s’atteler devant son ordinateur pour effectuer toutes les réservations (modifiables ou pas, assurance annulation ou pas). Rien que tout ça, c’est épuisant. Et ce n’est que le commencement…

Il faut ensuite étudier le lieu où on a l’intention de se rendre. Qu’y a-t-il à voir, que faut-il absolument faire, que ne faut-il rater à aucun prix. Ayant parlé de mon projet d’aller à Florence, une amie m’a donné ce sage conseil : "Si tu veux avoir une chance de visiter la galerie des Uffizi, réserve ton billet par avance sur internet !" Ce que j’ai fait et j’ai drôlement bien fait. Le billet m’a coûté 20€ au lieu de 11€, mais j’ai réussi à entrer dans le musée à 8h30 et à admirer tranquillement la Naissance de Vénus. Dès 9h, des hordes de Japonais commençaient à envahir la salle. Comme j’avais de l’avance sur la foule, la visite de la galerie s’est déroulée tout à fait normalement. C’est en sortant du bâtiment que j’ai constaté qu’une longue file de candidats à la visite attendait patiemment son tour.




On retrouve la même file de 100 mètres de long devant l’entrée de la cathédrale de Florence, Santa Maria del Fiore, dont la visite n’en vaut pas vraiment la peine. J’ai choisi la file plus courte, celle qui permet d’escalader les 463 marches de la coupole pour admirer le panorama de la ville. Toutes les églises de Florence sont très vides et assez décevantes. Les œuvres ont sans doute été déplacées dans des musées.


Au bout de la première journée déjà, je commençais à souffrir du syndrome de Stendhal : l’overdose d’œuvres d’art. Mais aussi l’overdose de tout ce qui entoure le tourisme, qui a totalement phagocyté le vieux centre de Florence. Trop de Vierges à l’Enfant et trop de Jésus sur la Croix, mais aussi trop de David de Michel-Ange sous toutes les formes possibles et imaginables – cartes postales, magnets, mugs, parapluies, cravates, slips – trop de sacs en cuir, petits et grands, trop de masques vénitiens… On voit beaucoup de belles choses, mais la laideur semble avoir pris le dessus. Ici, le tourisme est resté bloqué quelque part dans les années -80. Les kiosques vendent le genre de babioles que plus personne n’achète de nos jours et les bijoux dans les vitrines des échoppes du Ponte Vecchio m’ont paru particulièrement hideux. On peut voir un peu partout des Africains ou des Pakistanais qui vendent des lunettes de soleil ou des reproductions de Klimt ou encore de la Chapelle Sixtine, un des nombreux avatars de la mondialisation, sans doute.



Les Uffizi auraient bien besoin d’une rénovation, bon nombre de tableaux étaient gâchés par des reflets mal placés et les légendes étaient particulièrement inintéressantes : on y détaille par le menu qui a passé commande de l’œuvre en question et en quelle année elle est entrée au musée. Ils feraient mieux de nous rappeler pourquoi Judith a coupé la tête de Holophernes ou de donner quelques notions d’histoire de l’art. Dans quasiment tous les monuments, les prix, les heures d’ouvertures, les avertissements ("la montée à la coupole est déconseillée au personnes souffrant de maladies du cœur, interdiction d’introduire des liquides") sont affichés à l’intérieur, c-à-d une fois que vous avez fait la queue pendant 40 minutes.

La modernité, en revanche, se voit chez ces guides touristiques qui utilisent le bidule 1) : ils chuchotent dans un micro et leurs ouailles écoutent le commentaire dans leurs écouteurs. L’avantage est double : non seulement, ils ne vous obligent pas à suivre leurs commentaires en espagnol, japonais ou hongrois, mais personne ne risque de se joindre au groupe pour profiter du tour guidé gratuitement.
Une journée de travail qui commence à 8 ou 9 heures me fait frémir tellement c’est tôt, pourtant je n’hésite pas à mettre mon réveil sur 7:15 pour aller visiter un musée ou pour aller escalader la Tour de Pise. A nouveau, j’avais acheté mon billet à l’avance sur internet, mais tout comme à Florence, la technologie n’arrive pas jusqu’au cerveau des employés du guichet : leur ordinateur ne peut absolument pas vous donner la veille votre billet pour le lendemain 2). Décidément, la vie du touriste est dure et semée d’embûches. A l’aube, tu te lèveras et les merveilles du monde seront à toi.

Contrairement au musée des Offices où on gagne plusieurs heures d’attente, il n’est pas utile d’acheter par avance son billet pour la Tour de Pise. Non seulement, on trouve aisément une place 3), mais la montée n’en vaut pas vraiment la peine. L’inclinaison ne se remarque pas à l’intérieur et la vue de Pise, ville plutôt laide et sans intérêt, ne mérite pas le détour. Le site proprement dit – la Piazza dei Miracoli : cathédrale, campanile, baptistère et cimetière – est spectaculaire, mais se visite en une demi-journée. Une drôle de maladie semble s’emparer des touristes qui visitent ce lieu. Où que l’on tourne son regard, on voit des gens qui lèvent les bras en souriant vers celui qui les prend en photo. A leur retour au pays, ils montreront fièrement à leur amis que ce sont eux qui ont empêché la Tour de Pise de s’écrouler. Sacré gag !

Pour autant qu’on ait bien préparé son voyage – crème solaire, Imodium, itinéraire vers l’hôtel, devises locale, tenues décentes pour les visites d’église, adaptateur de prise, chapeau et lunettes de soleil, appareil photo – et évité ainsi tout pépin fâcheux, on rentrera chez soi comblé et heureux, les yeux pleins d’images. On aura alors du plaisir à retrouver son foyer et sa petite routine. Quel soulagement de ne plus devoir chercher sur le plan où on se trouve ! Quel plaisir que de savoir, sans réfléchir, quel bus il faut prendre ! Jouer au touriste est très divertissant, mais je n’en ferais jamais mon métier.

Un jeu amusant à faire avec vos amis grands voyageurs est le Travel Bingo : chacun à son tour mentionne un site ou une destination (les chutes du Niagara ! l’Empire State Building ! Lisbonne !) et ceux qui y sont aussi allés lèvent la main. Libre à vous ensuite de décider ce qu’il advient à ceux qui ont des lacunes dans leur tableau de chasse (payer une tournée, faire la vaisselle ou ôter un vêtement, version Strip Travel Bingo !)
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1) Appareil d’interprétation : l’interprète chuchote dans un micro et les délégués ayant besoin de cette langue portent des écouteurs; généralement utilisé lors de visites sur site, quand il n'y a pas de cabines.
2) L’achat sur internet vous donne droit à un bon à échanger au guichet contre le billet d’entrée proprement dit. L’agence qui sert d’intermédiaire prend une commission et l’achat par avance sur internet revient plus cher.
3) Le nombre de visiteurs est bien évidemment limité et on y entre par groupes

vendredi 12 août 2011

Voyage en Normalitude


Chaque fois que je vais à Saint-Jean-de-Luz (pays basque français), je suis frappée par l’atmosphère particulière qui y règne. Je vous parle bien sûr de la haute saison, qui connaît un doublement voire un triplement de la population. La ville et la région sont très fréquentées, essentiellement par des familles françaises. Des gens tout à fait ordinaires. Des gens tellement ordinaires qu’ils en deviennent extraordinaires.

Apparemment, la majorité des Français va en vacances en France. Ils y vont en voiture et aiment faire du camping. Il doit y avoir une dizaine de campings rien qu’à Saint-Jean-de-Luz et environs immédiats. Des Français moyens. Tiens... une expression qu’on n’entend plus. On parle certes de la France d’en-bas, mais ces vacanciers-ci tapent un peu plus haut. La classe moyenne va au camping, la classe moyenne-supérieure va à l’hôtel. L’élite va dans le Lubéron ou à Saint-Tropez, ou alors carrément aux Maldives. La France d’en-bas, quant à elle, ne va pas en vacances du tout.


Le vacancier normal va à la plage. Il est amusant d’observer cette population balnéaire. Au Pays de la Normalitude, les familles ont 1,5 bébé / enfant. Les papas s’appellent Jean-Pierre ou Patrick et j’ai entendu une maman appeler son petit garçon Martin. Martin … ! Et non pas Brayann ou Ethan [pron : étang]. Les fillettes ne s’appellent ni Cassandre ni Océane. On joue au tennis de plage, on lance un frisbee, on fait des mots croisés, on lit le best seller de l’été. Tout le monde est très calme et courtois. On ose laisser ses affaires sur sa natte de plage le temps d’aller se baigner, car on sait qu’on retrouvera tout intact et intouché à son retour.

Il y a beaucoup de monde partout, il faut parfois se battre dans la file pour les glaces, mais de façon générale, tout le monde cohabite pacifiquement et partage fraternellement l’espace de vie disponible. Des familles et encore des familles, qu’on ne vienne pas nous dire que la natalité est en baisse. Des couples de retraités également. Mais très peu de yuppies ou de gays ostensibles, pas de survêt’s et pantalons baggy, pas de tatoués-piercés, pas de disco-techno-ecstasy-à-Ibiza, ni carrés Hermès ni sacs Vuitton. Non, ceci n’est vraiment pas l’endroit pour ça. Je me rappelle toutefois que quand je suis venue à Saint-Jean-de-Luz seule, personne ne me regardait de travers ; les serveurs enlevaient le deuxième couvert sans poser de questions, comme si c’était la chose la plus normale au monde. Ailleurs, on ne vous apporte pas la carte tant que votre vis-à-vis n’est pas arrivé et parfois, on peut attendre très longtemps.


Au Pays de la Normalitude, il n’est pas rare que les familles aient des chiens. Sauf que les chiens ne sont pas des enfants. Les chiens ne sont pas admis dans les stations service. Les chiens ne sont pas admis sur les plages. Ils ne sont évidemment pas admis dans les églises, les musées, les châteaux. Il faut donc feinter et s’arranger ; aller acheter son pique-nique à tour de rôle ; aller à la plage en toute fin de journée. Les enfants peuvent hurler et pisser dans le sable, mais ce n’est bien sûr pas pareil. Il faut aussi trouver un hôtel qui accepte les animaux de compagnie, mais ce n’est encore pas trop difficile.

La Normalitude implique également qu’on ait l’usage de ses deux jambes. Les vacanciers, qui se déplacent tous en voiture, stationnent très volontiers leur véhicule sur le trottoir. Bien obligé, il n’y a tout simplement pas assez de places de stationnement et les transports publics sont pour ainsi dire inexistants. Il y a bien une handiplage et une audio-plage (pour les non-voyants), mais à mon avis, les handicapés ne peuvent pas vraiment aller ailleurs, la ville n’étant pas du tout organisée pour eux. Même en étant valide, on doit constamment se faufiler entre les voitures et les poussettes.

Alors remercions le ciel d’avoir la possibilité physique et les moyens matériels de partir en vacances, car ce n’est pas donné à tout le monde.

Ze French petit-déjeuner