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jeudi 18 octobre 2012

Une mésaventure apicole





Suite à un article paru dans un journal, présentant un jeune apiculteur qui voulait créer sa propre société et qui avait de la peine à trouver des crédits bancaires, j’ai décidé de me lancer dans l’aventure, en sachant bien qu’elle risquait d’être hasardeuse. Les banques ne sont pas méfiantes pour rien et, contrairement à moi, elles ont l’expérience de ce genre d’affaires commerciales. Pour ma part, j’ai estimé que plutôt que de soutenir une coopérative de femmes boliviennes, je pourrais tout aussi bien offrir du micro-crédit à quelqu’un du terroir.

Le contrat sur dix ans prévoyait que j’achète une ruche pour 542,-. En échange, je recevrais 50% de la récolte de ma ruche ou l’équivalent en produits dérivés (gelée royale, savonnettes....) ou sous forme d’argent, le produit de la vente de mon miel. On me ferait également parvenir un rapport trimestriel sur la vie de ma ruche et son bon fonctionnement. Je n’ai reçu aucun rapport trimestriel, mais bon... ce n’était pas trop grave et j’avais d’autres chats à fouetter. Venu le mois de septembre, je commençais à me dire que cela commençait à être le moment que j’obtienne quelque chose, ne serait-ce qu’un signe de vie du jeune homme courageux qui se lançait tout seul comme un grand dans l’apiculture.




Ce n’est que parce que je l’ai croisé par hasard un beau jour - au festival Biubstock, je faisais Nez Rouge et lui faisait les Samaritains, Genève est un village - et que j’en ai profité pour m’enquérir de mon investissement que j’apprends que l’année a été très mauvaise et qu’il n’y avait pas eu de récolte. Pas de récolte du tout, donc, car si la récolte avait été faible, j’aurais dû en recevoir 50%, comme prévu dans le contrat. On me promet une lettre expliquant la situation, ainsi qu’un bon de crédit de 60,- en guise de compensation. Quinze jours plus tard, toujours rien. On m’explique que la lettre est en cours de réécriture parce qu’il y a eu des problèmes.... Je me suis dit que ce jeune homme n’était sans doute pas très doué pour le secrétariat, qu’il était peut-être un peu désorganisé et inexpérimenté. J’attends néanmoins l’arrivée de la commande que j’avais passée avec mon bon de crédit, à savoir quatre pots de miel de 250g. Je ne reçois évidemment rien: Ah oui, on a eu des problèmes et nous sommes en rupture de stock de pots. Ça commence à paraître sérieusement foireux et une petite sonnette d’alarme s’allume dans un coin de ma tête. Des pots, j’en aurais eu, moi, étant donné que cela fait huit mois que je les collectionne, j’en ai plein la cave. La livraison tarde encore... je finis par découvrir qu’elle avait été déposée au mauvais endroit et que la marchandise était bien chère: mon crédit était entièrement épuisé, 1kg de miel pour 60,-.

C’est alors que la moutarde a commencé à me monter au nez. D’autant plus que ce n’était pas la première fois que je me trouvais démunie face à une transaction commerciale qui tournait en ma défaveur. Ni le Service du Commerce, ni le Département de l’agriculture ne peuvent m’aider: mon problème relève du droit privé. Ah. Sur les marchés, les gardes municipaux vérifient sans doute que les marchands ne dépassent pas les lignes prévues pour leur stand et qu’ils n’offrent pas le verre de l’amitié non plus , quant à l’activité commerciale des marchands, tout le monde s’en fout. Le SCAV vérifie la qualité mais pas la quantité. Une médiation par le biais de la Chambre de Commerce et d’industrie me coûterait 600,- pour le lancement de la procédure, puis un taux horaire entre 200 et 500,-. Autant oublier. Une fois de plus, je me suis rendu compte qu’il est très difficile pour le consommateur de se défendre. Que soit à la FRC ou dans une permanence juridique, on vous dira, en gros, que vous ne pouvez rien faire à moins d’actionner les tribunaux, ce qui vous coûtera trois fois plus cher que la mise que vous êtes en train de perdre face à quelqu’un de peu scrupuleux. Mais alors que faire?






Les associations professionnelles vous diront qu’elles ne fournissent pas de renseignements sur leurs membres et si vos interlocuteurs n’en sont pas membres, il n’y a aucune information à obtenir de toute manière. Comme cette fois-là où un tapissier décorateur m’a rendu une copie en échange d’un fauteuil ancien: c’est moi qu’on a fait passer pour une calomniatrice. C’était ma parole contre la sienne et comment prouver l’échange? C’est tout simplement impossible.

Une autre fois, j’ai fait réparer une pendule ancienne par un horloger qui affichait «Réparation de pendules anciennes» dans sa vitrine. Il a remplacé le mécanisme ancien par un moderne et m’a facturé le tout 900,- alors qu’il m’avait dit que ça ferait dans les 700,-. Là non plus, je n’ai rien pu faire. J’étais déjà bien contente de récupérer l’objet original, qui n’avait pas été remplacé par fac simile cette fois-ci. Un an plus tard, le mécanisme neuf est tombé en panne, soupir, gros soupir.

Si vous ne payez pas vos factures, vous aurez très rapidement les huissiers à votre porte. En revanche, le commerçant qui vous trompe sur la marchandise, qui vous roule, qui surfacture ou qui ne vous livre pas ce qu’il vous a promis peut dormir tranquille. C’est surtout l’impunité d’un comportement aussi grossièrement malhonnête qui me révolte et j’écris ce texte dans l’espoir que d’autres esprits optimistes, qui ont foi en la nature humaine, seront découragés de se lancer dans des aventures hasardeuses.



Alors en cas de transactions commerciales quelles qu’elles soient, prenez des renseignements sur l’artisan avec qui vous entendez travailler. Vérifiez s’il est membre de l’association professionnelle de sa branche, ce n’est pas une garantie absolue mais ça représente tout de même un certain gage de sérieux, d’expérience et de reconnaissance par ses pairs. Vérifiez s’il est inscrit au registre du commerce. Si vous confiez un objet à réparer, exigez un reçu. S’il s’agit d’un objet ancien, prenez une photo et faites signer la photo pour être sûr de récupérer exactement ce que vous avez donné. Si on vous donne une indication du prix à payer, exigez un devis par écrit. L’artisan n’a le droit de le dépasser que de 10%. Sans ce document, il pourra vous demander le double et vous n’aurez qu’à cracher au bassinet.

Et surtout, ôtez-vous de la tête ce préjugé idiot comme quoi en Suisse, les gens sont honnêtes! Il y a bien longtemps que ce n’est plus le cas.
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PS: mes problèmes avec l'apiculteur ont fini par se régler d'eux-mêmes... mais on ne m'y reprendra plus