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jeudi 15 mai 2014

Interprète ou Diva, même combat

Dessin B. Cliquet

Tout le monde n'est pas fait pour une vie de saltimbanque, une vie où la routine n’est pas toujours quotidienne et où on ne sait pas forcément de quoi demain sera fait. La plupart des gens ont un travail fixe, à durée déterminée ou pas, avec des congés payés et un treizième mois à la fin de chaque année. Mais toutes les professions ne fonctionnent pas selon ce modèle. La plupart des indépendants - garagistes, médecins, plombiers - sont leur propre patron et peuvent être relativement certains d’avoir du travail toute l’année, même un peu trop, parfois. Il n’en va pas de même pour les interprètes de conférence.

Quand les gens entendent combien nous sommes payés à la journée, ils multiplient cela d’office par trente pour le mois ou par trois cents quarante pour l’année et se disent que, décidément, nous nous faisons des roubignolles en or. Ils oublient que de mi-décembre à fin février environ, nous n’avons pas de travail, idem en juillet et en août. Pas de congés payés, pas d’arrêts maladie, ni de congé maternité. Pas de retraite non plus, c’est à nous de jouer les fourmis plutôt que les cigales, si nous ne voulons pas nous trouver fort dépourvus quand la vieillesse sera venue.

Une autre profession qui fonctionne comme la nôtre est celle des chanteurs lyriques. Comme nous, ils sont payés aux pièces, c’est-à-dire au cachet. Pas d’engagement, pas de cachet. D’où la nécessité d’espérer que le téléphone sonnera pour demander une disponibilité, de préférence pour quelque chose de juteux, ça permet de manger plus longtemps. Le plus dur étant évidemment les premiers contrats: comment se faire connaître, comment convaincre ceux qui cherchent des interprètes - lyriques ou de conférence - qu’on a les compétences requises? Qu’on tiendra le coup dans l’air de la Reine de la Nuit ou à l’assemblée générale de Novartis? Qu’on n’aura pas de blanc, qu’on n’éclatera pas en larmes en pleine performance? Qu’on s’entendra avec le reste de l’équipe? Ça aussi, ça compte pour beaucoup dans les offres qu’on reçoit ou pas.



Pour devenir interprète lyrique ou de conférence, il vaut mieux commencer à se former très jeune - ce n’est pas indispensable, mais ça aide. Apprendre les langues ou le solfège tout petit, faire des séjours à l’étranger, faire ses gammes, avoir des parents musiciens ou en tout cas mélomanes, avoir un petit ami allophone, chanter dans un choeur d’église, faire des auditions dans le cadre d’une école de musique, faire sa scolarité dans une autre langue que celle du pays où on vit.... Après quoi, il faut suivre une formation, une école d’interprètes ou le conservatoire, puis des cours de chant plus pointus, des master class, enfin le diplôme. Les professeurs sont souvent de futurs collègues, qui vous aideront à mettre le pied à l’étrier et qui recommanderont leurs poulains pour leur permettre d’acquérir leurs premières expériences professionnelles. A partir de là, si la prestation est bonne, l’effet boule de neige permet, petit à petit, à l’oiseau de faire son nid.

Reste ensuite à bien gérer sa carrière: garder de bonnes relations avec ses collègues et avec les gens qui vous engagent; ne jamais arriver au travail sans s’être préparé; être ponctuel, fiable et correct avec les notes de frais. Si on découvre, ne serait-ce qu’une seule fois, que vous avez triché avec une facture d’hôtel ou un remboursement de billet de train, c’est la liste noire, dont il est très difficile de sortir. Quand il y a l’embarras du choix parmi les sopranos qui peuvent chanter Violetta ou Fiordiligi, on choisira en premier celle qui est une valeur sûre, celle qui ne vous posera pas de lapin la veille de la première, qui ne fera pas de caprices de diva, qui sera sympa et réglo. Il en ira de même si on a besoin d’un(e) interprète de cabine française avec l’anglais et l’espagnol, combinaison très courante s’il en est.

Les chanteurs d’opéra doivent avoir un répertoire. S’ils ont appris, ou encore mieux, déjà chanté tel ou tel personnage, ils pourront remplacer quelqu’un de souffrant au pied levé. Avec l’expérience, l’apprentissage et la mémorisation des différents rôles se fait sans doute plus facilement. Si vous avez déjà chanté Mimi, cela signifie que vous connaissez déjà bien La Bohème et que vous aurez moins de peine à faire Musetta, puisque les différentes répliques et le déroulement de l’œuvre vous seront déjà familiers. Chez les interprètes de conférence, si vous avez déjà fait du médical ou de la finance, vous serez plus à l’aise lors d’autres conférences relevant de ces domaines-là.


Les deux professions travaillent avec la voix. Nous ne pouvons pas nous permettre d’être aphones ou d’avoir des quintes de toux irrépressibles. En cabine, ça reste possible, même si c’est pénible. J’ai assisté à une Belle Hélène dont le Pâris était aphone. Il a prononcé son texte, étant incapable de le chanter. Comme c’était une petite production fauchée, ils n’avaient pas d’autre recours et c’était finalement bien sympathique. Mais à la Scala de Milan, ce serait inconcevable, ils feront venir une doublure. Il arrive aussi que des interprètes de conférence en remplacent d’autres, pour autant qu’ils aient la bonne combinaison linguistique. Bien sûr, l’absent aura peur que le nouveau-venu soit meilleur que lui et fera tout pour éviter de se faire porter pâle. Bien des chanteurs lyriques ont vu leur carrière démarrer grâce à une telle intervention de dernière minute.


Les chanteurs ont des agents qui leur trouvent des engagements, généralement plusieurs années à l’avance. Plus on est célèbre, plus le délai de réservation sera long. Les interprètes s’organisent aussi en secrétariats, qui jouent un peu le rôle d’agence, ou alors ils ont une centrale d’appel, qui reçoit et transmet les messages. A l’Union européenne, les interprètes indiquent leurs disponibilités sur un calendrier en ligne et sont recrutés par ce même biais, en fonction des langues requises.

Les deux professions sont appelées à travailler ailleurs qu’à domicile. A moins d’habiter à Genève ou à Bruxelles, les voyages seront quasi-inévitables pour les interprètes de conférence. Les chanteurs lyriques auront aussi assez rapidement épuisé tous les débouchés possibles à domicile et devront accepter de prendre le train ou l’avion et loger à l’hôtel. Tout cela peut devenir délicat et difficile à concilier avec une vie de famille, des enfants, une continuité dans sa vie sociale et ses activités extra-professionnelles.

La concurrence est rude dans le monde de l’opéra et les chanteurs venus de l’est sont non seulement excellents, mais bien moins chers. Il est dur de défendre son bifteck face à de belles voix profondes et sonores qui demandent un dixième du cachet occidental et qui sont moins exigeantes pour tout le reste aussi (conditions de voyage, de logement etc.). Ce phénomène est bien évidemment moins flagrant chez les interprètes, car il sera difficile pour un Polonais de faire la cabine espagnole, pour prendre un exemple au hasard. De même, dans des œuvres comme Eugène Onéguine, la distribution sera généralement exclusivement russe, compte tenu de la difficulté de mémoriser le texte et de le prononcer correctement si on ne maîtrise pas la langue.



Les architectes ne sont pas nos amis. Lorsqu’ils dessinent une salle de conférence, ils oublient totalement les cabines d’interprète. C’est ainsi que nous nous retrouvons avec des cabines exiguës, sans visibilité, difficiles d’accès, avec des lampes soit trop fortes, soit trop faibles, des écrans - excellente idée - placés de sorte à prendre toute la place sur la table et masquer la salle. Il n’y a jamais de porte-manteaux, ça coûte sans doute trop cher. Les architectes détestent la lumière: les salles de réunion sont systématiquement dépourvues de fenêtres ou ont de lourdes tentures sombres, ça favorise la concentration chez les participants. La climatisation est généralement défectueuse et nous avons le choix entre trop chaud, trop froid ou pas d’air du tout.

Dans les vieux théâtres, il en va de même: les coulisses sont inadaptées (il faut pouvoir passer de cour à jardin rapidement et discrètement), les loges - lorsqu’il y en a - sont trop petites et en nombre insuffisant. Une ou deux douches, voire aucune, une ou deux toilettes pour une vingtaine ou plus de personnes participant au spectacle. Il faudrait de grandes portes et un monte-charge pour faire entrer les décors, ce n’est pas toujours le cas. Le luxe ultime est d’avoir un écran de régie ou un système quelconque permettant de savoir où en est le spectacle. On ne peut pas passer des heures tous les soirs en coulisses afin de ne pas rater son entrée. En cabine, il est utile également d’avoir des écrans nous indiquant l’ordre des orateurs ou le résultat du vote.


La Belle Hélène d'Offenbach
Les similitudes sont nombreuses également dans l'exercice même de la profession. Nous travaillons en étroite promiscuité avec des collègues que nous ne choisissons pas. Fort heureusement, en cabine, nous n’avons jamais besoin d’embrasser notre collègue, il n’y a pas d’étreintes passionnées ni de déclarations d’amour simulées. On doit pouvoir faire confiance à nos camarades et pouvoir compter sur eux en cas de blanc ou de problème technique: le document qui tombe par terre ou un accessoire qui manque, une réplique qui ne vient pas. On doit bluffer quand on se trompe, le public ne doit se rendre compte de rien. Lorsqu’on chante un Lied ou qu’on fait une consécutive, il faut être vivant, transmettre de l’émotion et regarder les gens dans les yeux, afin de capter leur attention.

Du fait de la précarité de nos professions, bien des interprètes - linguistiques ou musicaux - se tournent vers l’enseignement. Cela permet d’arrondir les fins de mois et d’avoir d’autres horizons que le seul stress de la performance.
Le monde des interprètes de conférence est parfaitement dénué de toute discrimination: tout le monde est payé la même chose (sauf les débutants pendant un certain nombre de jours). Il serait inconcevable d’être homophobe ou raciste étant donné que toutes les religions, orientations et couleurs sont représentées. Dans les milieux lyriques, la rémunération varie en fonction de l’importance du rôle et de la renommée des chanteurs et selon qu’ils sont solistes ou choristes.

Les interprètes de conférence sont nombreux à fréquenter les opéras, l’inverse est toutefois peu probable. Un certain nombre de mes collègues chantent dans des choeurs, mais ce n’est de loin pas la majorité. Un parallélisme amusant se dessine toutefois entre les conférences internationales et les productions lyriques. Il y aura toujours une cabine anglaise et une cabine française – du moins dans les grandes conférences en Europe – tout comme il y aura toujours une soprano et un ténor. Il y a très fréquemment une cabine espagnole, allemande ou russe, selon le type de conférence, tout comme il y aura quasiment toujours une alto, un baryton, une ou plusieurs basses. Il peut y avoir une cabine japonaise, comme il peut y avoir un contre-ténor ou une femme jouant un rôle d’homme. Nous formons une équipe soudée le temps d’une conférence ou d’une représentation, chacun jouant le rôle qui est le sien. Bien souvent, la soprano ou le ténor meurent d’amour ou de vengeance, les émotions des interprètes de conférence n’atteignent jamais de tels extrêmes. La prestation terminée, les chanteurs seront chaleureusement applaudis et recevront des fleurs, alors que les interprètes quitteront la salle discrètement, chacun ayant essayé de contribuer, à sa manière, à rendre notre monde un peu moins brutal.

Bravo ! Bravissimo !

lundi 31 mars 2014

TweeGooBayBook



L’autre jour, je suis allée dans un copyshop faire faire des photocopies en grand nombre et ça m’a rappelé le temps lointain où j’étais secrétaire régionale de mon association professionnelle, autour de 1995-2001. Je tapais déjà le procès-verbal sur mon laptop en réunion, mais la distribution du PV se faisait de façon quasi-manuelle: 300 photocopies de 15 à 20 pages, à mettre sous pli, puis transporter à la poste dans une charrette, non sans y avoir apposé un timbre au préalable (tarif national et tarif international). Autant dire l’âge de la pierre, totalement has been. Quand j’ai raconté cela au jeune homme derrière le comptoir, il avait l’air totalement incrédule. Tout leur atelier d’impression est informatisé, numérisé et il n’a sans doute jamais connu l’époque sans internet, sans clés USB et sans smartphones.


Tous les jours, on peut lire dans la presse que Twitter a diffusé une info du Département d’Etat des Etats-Unis d’Amérique ou que le pape invite les Syriens à faire la paix, via ce même site de microblogging, auquel la plupart des Syriens n’ont sans doute même pas accès. Le petit oiseau bleu devient un oiseau de mauvaise augure lorsqu’il colporte des phrases assassines ou vengeresses - voir l’affaire Trierweiler, celle qui a précédé l’affaire Closer. N’étant pas sur Twitter - le concept d’être limité à des messages de type SMS me paraît parfaitement idiot - j’ai de la peine à comprendre ce qu’est le retweet, mais je peux bien me l’imaginer. Le moindre tweet un peu spectaculaire ou impliquant des célébrités fait immédiatement le buzz, avant qu’on ne découvre qu’il s’agissait en réalité d’un coup de pub, comme par exemple le selfie hollywoodien qui a fait le tour de la planète bien plus rapidement que n’importe quel appel à construire des latrines en Afrique.



Pas un jour ne passe sans que la presse ne signale telle ou telle info autour de twitter. Et si le président de la Turquie décide de bloquer ce site internet, cela provoque un véritable tollé dans le monde entier. Peut-on vivre sans twitter? Twitter est-il devenu un droit de l’homme essentiel et fondamental, comme l'éducation ou le droit à l’eau potable? Comment faisait-on avant twitter?


Lorsqu’on monte dans un bus ou un tram de nos jours, on constate immédiatement qu’environ 80% des passagers sont plongés dans leur smartphone, probablement en train de consulter leur page facebook, alors que les autres téléphonent. On voit encore parfois quelques néanderthaliens qui lisent un roman ou qui ne font tout simplement rien... Rêvasser et ne rien faire, voilà le luxe ultime, un art subtil qui est en train de se perdre.




On trouve des services très variés sur internet, qui sont tous interconnectés entre eux. En ce qui me concerne, j’ai bien sûr trois adresse e-mail, deux comptes google, un compte facebook, comme quasiment tout le monde (mais pas twitter!). J’ai également créé un compte eBay (quasiment inutilisé) et forcément un compte PayPal. Ayant un Kindle, j’ai évidemment un compte Amazon et j’ai récemment eu recours à AirBnB dans une ville où tous les hôtels étaient complets. Sans oublier Dropbox, si pratique pour toujours avoir ses documents sous la main. Et skype, of course! Cependant, le Google Hangout manque encore à mon paysage virtuel



Je comprends bien le désarroi de certaines personnes âgées et même moins âgées face aux automates à écran tactile, aux tickets de bus par SMS et autres technologies modernes barbares. Avez-vous connu l’époque où on achetait son billet à un être humain qui y faisait un petit trou? C’était carrément le Moyen Age.... Mais je dois avouer que je me sens un peu perdue quand je vais au rayon multimédia de mon grand magasin préféré: on y voit des trucs et des machins, dont j’ai de la peine à comprendre à quoi ça sert. Je n’ai pas envie d’essayer de comprendre ce qu’est le Bluetooth, il vient un moment où on sature carrément. Quant aux imprimantes 3D... là, j’atteins ma limite, je ne veux même pas savoir comment ça marche!



A mon avis, il m’est inutile d’essayer de me cacher vis-à-vis d’Apple, Google ou encore de la NSA. Mon iPhone suit tous mes déplacements et tous mes coups de fil. Je n’irai toutefois pas jusqu’à mettre un bracelet Jawbone à mon poignet, pour que mon téléphone enregistre toutes mes fonctions corporelles, battements de coeur, cycles du sommeil, etc...    Nous nous mettons volontairement des micros et des caméras partout et nos diverses cartes de fidélité permettent d’établir une cartographie précise de notre mode de vie: single sans enfant, sans animal de compagnie et quasiment végétarienne. Ma foi, si ma petite vie tranquille peut intéresser quelqu’un.

George Orwell avait bien prédit tout ceci, il ne s’est trompé que d’une trentaine d’années. Et nous ne savons pas ce que l’avenir nous réserve encore....




jeudi 2 janvier 2014

Un ferry pour la Corse



Il n’est pas simple de partir en vacances quand on a un animal de compagnie. Il faut trouver quelqu’un qui puisse et qui veuille bien vous le garder - on préfère éviter les chenils et les chatteries - ou alors, il faut l’emmener avec soi. C’est ainsi que nous avons trouvé la solution idéale pour trouver un peu de soleil en décembre, sans devoir aller trop loin: la Corse, en voiture, donc en ferry.

Il existe différentes compagnies qui font la traversée, au départ de Toulon, Nice ou Livourne et accostant à Bastia, Ajaccio, voire la Sardaigne. La SNCM accepte les chiens, mais les met en chenil, c-à-d dans des cages et nous ne leur faisons pas trop confiance pour que notre petite chérie soit bien traitée. N’ayant pas encore découvert la compagnie La Méridionale, nous avons opté pour Corsica Ferries, qui nous permet de garder notre chienne avec nous, dans une cabine spécialement aménagée, avec un sol en linoléum plutôt que de la moquette. La SNCM étant une compagnie française, elle a la réputation de se mettre fréquemment en grève, précisément à l’occasion des transhumances de vacances, raison de plus pour opter pour une autre compagnie.

Ayant atteint un âge où on apprécie d’avoir un peu de confort, j’ai réservé l’option Premium Boarding pour 30€, pensant que cela nous permettrait de bénéficier de certains avantages. Le bateau partant à 23:55, j’ai cherché à savoir à partir de quelle heure on pouvait embarquer, pensant que nous aurions ainsi le temps de nous installer et peut-être d’aller boire un verre, soit à terre soit à bord du ferry. Il a été relativement difficile de trouver une réponse autre que "Vous devez être au port au plus tard une heure avant le départ". Oui, mais: "au plus tôt"? Eh bien, une heure avant le départ, étant donné que le ferry de Toulon vient de Nice, uniquement pour embarquer d’autres passagers et véhicules. Mais, pas de soucis, puisque nous avons l’option Premium!


Le site de Corsica Ferries ne donnant pas d’autre adresse que «Port de Commerce», que le GPS ne reconnaît pas*), nous nous sommes rendus au débarcadère bien à temps pour avoir de la marge. Nous nous sommes mis dans la file Premium et on nous a prié de revenir à 23:15 pour l’embarquement. Rien n’a bougé avant 23:40 environ**), après quoi, toutes les voitures (environ 150) ont embarqué avant nous. En effet, le Premium Boarding signifie que nous sommes les premiers à débarquer, donc forcément les derniers à embarquer, logique. Le passager non-conducteur peut toutefois monter à bord tout de suite. Il a ensuite fallu manoeuvrer - avec très peu d’espace et très au bord de l’eau - pour embarquer en montée et en marche arrière. Nous sommes arrivés à l’étage des cabines (aucune indication d’étage dans l’ascenseur) vers 00:30, en tant que derniers passagers. Réveil par interphone - ding-dong! - à 06:00, les cabines doivent être libérées pour 06:30. Heure théorique d’arrivée 07:00, heure d’arrivée réelle 07:30. Une heure d’attente dans l’escalier, devant des portes fermées, qui ont ouvert à 07:25. Nous avons dû nous précipiter - en tant que passagers Premium - pour dégager la voie, puisque nous étions devant tous les poids-lourds qui, impatients de sortir, avaient déjà tous allumés leur moteur. Quelle joie, après une nuit de 5h, avec une climatisation faisant un bruit infernal et impossible à éteindre, que de devoir se faufiler entre d’énormes camions en étouffant parmi les gaz d’échappement!

Il est possible de voyager assis dans un fauteuil ou de réserver une couchette dans une cabine à plusieurs, un peu comme dans un train de nuit. Mais il vaut mieux alors ne pas choisir l’option Premium, car vous allez réveiller tout le monde quand vous arriverez, 30 à 40 minutes après le départ.

Je redoutais un peu le voyage du retour et m’étais préparée à passer une très mauvaise nuit. Mais on aurait dit que c’était une autre compagnie, d’ailleurs tout le personnel parlait italien et à peine le français. Le départ étant à 20:00, il était possible de monter à bord, tranquillement, chacun son tour, dès 18:00, ce que nous avons fait. Pour notre véhicule Premium Boarding, on nous a indiqué une file et j’ai fait la manoeuvre pour me mettre dans l’autre sens une fois à bord, dans une cale bien éclairée et au sol horizontal. De là, nous avons pu aller nous installer en cabine, faire un petit tour et même aller manger, ce qui n’était évidemment pas possible avec un départ autour de minuit. La nuit a été tranquille, pas de clim infernale et les passagers pouvaient profiter de leur cabine jusqu’à l’arrivée à quai. Une annonce par interphone a invité les conducteurs des véhicules du premier étage à évacuer à se rendre au garage. Et comme nous avions l’option Premium, nous sommes en effet sortis les premiers, ce qui était bien agréable.


Les toilettes pour chien se trouvent au 7ème étage, sur le pont supérieur. Il s’agit d’un petit carré de gravier de 1 x 2 mètres. Notre chienne n’y a évidemment rien compris et a su, fort heureusement, se comporter en demoiselle jusqu’au débarquement. Le pont supérieur lui a toutefois permis de faire des rencontres canines, car il y avait pas mal de chiens à bord. Nous lui avions acheté une muselière, car le site internet disait que c’était obligatoire. Pas un seul chien n’en portait et personne ne nous l’a demandé. On ne nous a pas demandé son carnet de vaccination non plus. 

Le ferry n’était pas particulièrement bondé, étant donné surtout la grève de la SNCM. Il n’y a apparemment pas eu de report de passagers. Visiblement, ce n’est pas l’amour fou entre les différentes compagnies concurrentes, surtout si certaines ne font pas la grève dès qu’une bonne occasion s’en présente. La SNCM est au bord de la faillite, s’est vu promettre une aide de l’Etat (30 millions € pour une entreprise privée), fait grève et intente des procès contre Corsica Ferries pour concurrence déloyale. Les syndicats exigent que les ferries battent pavillon français et engagent du personnel français à bord, Mais est-ce bien légal, au sein de l’Union européenne, d’appliquer ce genre de mesures protectionniste? Que le meilleur gagne, ma foi...

En synthèse:
  • Si vous en avez les moyens et que vous n’emmenez pas votre animal de compagnie, prenez l’avion. Evitez Air France, qui se mettra en grève. Mais sachez que les locations de voiture coûtent cher. Ils auraient tort de s’en priver.
  • Evitez les départs autour de minuit.
  • Evitez la SNCM, qui est un nid de communistes, dixit un passager. Idem pour la Méridionale.
  • Evitez le port de Marseille, qui est aux mains de la CGT, qui bloque toujours tout. Ce sont des bandits, dixit le même passager.
  • Avant de prendre l’option Premium Boarding, renseignez-vous pour savoir si cela signifie que vous embarquerez en dernier. Apparemment, cela dépend du port, du ferry, de l’heure du départ et de l’âge du capitaine. Au retour, Ajaccio-Toulon, c’était un bon choix.
  • Notez l’adresse du quai dans le port si vous utilisez un GPS, qui est fort utile dans les villes pleines de sens interdits et où le port n’est indiqué qu’un carrefour sur deux.
  • Préparez un petit baluchon pour la nuit, car les garages sont fermés pendant la traversée. Ne rien laisser dans la voiture qui risque de souffrir de la chaleur (un animal de compagnie, par exemple).

Enfin, évitez sans doute Ajaccio comme destination en Corse, surtout en décembre. Il a certes fait beau et nous y avons trouvé le soleil et des températures douces, mais la région n’est pas particulièrement intéressante ni spectaculaire.


PS: Si nous sommes partis de Nice, c'est parce que les cabines pour chien au départ de Toulon affichaient complet. Toutefois, nous sommes montés à Nice (100km de plus à faire) dans le ferry qui venait de Toulon, ce qui signifie que notre cabine a fait le même trajet, vide. L'organisation n'est pas exactement efficace ni rationnelle.... J'ai pourtant fait une demande et expliqué que ça nous arrangerait mieux de partir de Toulon, mais il n'y avait rien à faire: les départs de Toulon étaient complets!


* * * * *

*) l’adresse du débarcadère pour Ajaccio est quai Infernet. Une fois sur place, rien n’indique que c’est le lieu de l’embarquement. Ou alors, il faisait trop sombre et nous n’avons rien vu. Nous sommes entrés à l’autre bout et avons fait le tour du bassin portuaire.

**) le ferry venait de Toulon et faisait une brève halte à Nice pour embarquer d’autres passagers. Voilà pourquoi il n’était pas possible de monter à bord plus tôt. Renseignement à prendre par avance.


dimanche 22 décembre 2013

Le front de libération du mois de décembre



"Tu fais quoi à Noël? Tu rentres en Finlande?"
Qui ose répondre: Rien! à la première question? Et combien de fois dois-je expliquer que si je rentre quelque part, c’est à Genève?

Joulupukki

Bien des tabous sont tombés et bien des traditions sont mortes depuis les lointaines années de mon enfance, mais Noël semble être absolument inébranlable et indéracinable. Au contraire, non content d’obliger le monde chrétien à célébrer la naissance du petit Jésus, on est en train d’exporter cette fête païenne et mercantile aux quatre coins du monde. C’est ainsi que la Finlande veut faire du Père Noël une marque déposée et s’en arroger l’exclusivité, afin d’en faire un produit commercialisable toute l’année et sur toute la planète. Le Joulupukki finlandais est svelte et ne dit pas Ho-Ho-Ho! comme son homologue américain. Il défend des valeurs telles que la générosité et la solidarité et il va rendre visite aux enfants malades de Fukushima. Difficile toutefois d’enregistrer ce bonhomme barbu comme marque déposée, étant donné qu’il est devenu un concept universel. Difficile aussi, en ces temps de paranoïa pédophile, de défendre un monsieur qui prend les petits enfants sur ses genoux pour leur donner des cadeaux et des bonbons. Comment apprendre aux petits à faire la différence et à ne pas croire à n’importe quel Père Noël?


Alors comment échapper à Noël? Aller en vacances en Israël ou dans des pays musulmans? Dans le monde occidental, c’est tout simplement impossible. Même les détenus ne peuvent y échapper, coincés qu’ils sont dans leurs cellules, puisqu’on leur sert un menu de Noël, que cela fasse partie de leur culture ou pas. En Finlande, on leur servira sans doute du jambon à l’os, de gré ou de force, puisque c’est le repas traditionnel. Cela fait plusieurs années que je n’en n’ai plus mangé, étant donné que ce plat me sort littéralement par les oreilles, ce qui n’est pas commode pour la digestion, vous en conviendrez. Un tuyau: grâce à IKEA, on trouve du Julskinka dans le monde entier, mais uniquement en fin d'année.


Dans le roman About a Boy de Nick Hornby, le personnage principal vit dans l’oisiveté depuis et pour toujours, grâce aux royalties d’une chanson de Noël inoxydable, composée par son père. Lui aussi déteste cette période de Fêtes, même si c’est ce qui le fait vivre confortablement, car les mélodies douceâtres - plus particulièrement celle de son père - lui donnent la nausée. Certaines localités (Divonne-les-Bains ou La Valette par exemple) vous obligent à écouter en boucle des White Christmas et des Jingle Bells auxquels vous ne pourrez échapper qu’en vous enfermant chez vous - et encore: priez pour qu’un haut-parleur n’ait pas été placé juste sous vos fenêtres!


Les fêtes sont une période à déprime pour beaucoup de gens. Tous ceux qui sont seuls et à qui tout le monde dit: "Oh! ma/mon pauvre! Tu es tout(e) seul(e) pour Noël, ça doit être terrible!" Des repas caritatifs sont organisés en cette occasion, où tous ceux qui sont seuls peuvent se réunir pour déprimer tous ensemble. Le reste de l’année, ils n’ont qu’à avoir faim et broyer du noir tout seuls chez eux, ce qui est peut-être légèrement moins bluesy. Ayant fait une fois un séjour de ski au Club Med la semaine de Noël, j’ai pu constater que l’hôtel était rempli de gens qui détestaient Les Fêtes, parce que depuis que leurs parents sont morts, ces jours les remplissent de tristesse, par exemple. Nous avons, malgré tout, eu un repas spécial le 25 décembre (servi à table au lieu du buffet habituel), il y avait une crèche sans le petit Jésus pour les enfants et une descente aux flambeaux, avec des personnages habillés de rouge, mais sans aucune connotation religieuse, pour ne froisser aucun client. Mais Noël était bien là, pas possible d’y échapper.


Certains préféreraient passer Noël peinards chez eux, puisque les repas de famille sont l'occasion de nombreuses tensions et disputes. C'est l'occasion où tout le monde fait le poing dans sa poche et fait de son mieux pour que la fête soit belle. Il faut aller réveillonner chez les deux beaux-parents pour que personne ne soit fâché, faire des cadeaux à tous les frères et soeurs, beaux-frères et belles-soeurs, à mamy, à papounet, aux quinze cousins et neveux...

D'où la consommation effrénée, les magasins bondés, les journaux et les magazines qui ne parlent plus que d’idées de cadeaux et les gens qui stressent parce qu’ils n’ont pas encore acheté tout ce qu’il leur faut. Faut-il offrir quelque chose à son patron et, si oui, de quelle valeur? Trop cheap, ça fait cheap et trop cher, ça fait fayot. La frénésie de l’après-Noël, où il faut aller échanger le pull trop petit ou le roman qu’on a déjà ou alors carrément les revendre sur eBay ou Ricardo. Pourquoi est-on obligé de trop manger et pourquoi est- il impossible de trouver un restaurant qui serve une carte normale? Manger des spaghettis carbonara à Noël: l’acte anarchiste extrême!


Le mois de décembre se termine en beauté sur le réveillon du 31 décembre, autre obligation incontournable, à laquelle on ne peut pas échapper, même en partant à l’autre bout du monde. Comment fuir les cotillons et les feux d’artifice? Comment échapper aux huîtres et aux repas pantagruéliques? Comment éviter d’ajouter des kilos à ceux qu’on a déjà en trop - et qu’on ne peut pas revendre sur internet? Ce jour-là aussi, des milliers et des millions de personnes se morfondent de ne pas savoir que faire ni où aller. Une solution sympa est de faire bénévole à l’occasion de l’Opération Nez Rouge  : vous serez parmi des gens qui, comme vous, détestent le Nouvel An et qui veulent passer le cap autrement. On vous servira quand même du Rimuss et tout le monde se fera la bise à minuit, sauf les veinards qui sont déjà partis en mission.
Champagne halal


A partir du lendemain, tout commence à aller mieux. Les journées sont déjà plus longues et on entame quelque chose de nouveau. Il faudra tout de même souhaiter la Bonne Année à tous les gens qu’on croise. C’est évidemment fort sympathique et cela permet d’avoir des contacts avec tous ceux avec qui on ne bavarde pas forcément le reste de l’année.

Alors à vous tous, chers lecteurs et lectrices fidèles, je vous souhaite un très joyeux Noël, entourés de tous ceux qui vous sont chers, et je vous présente tous mes meilleurs voeux pour que 2014 soit une année remplie de joie, de prospérité, d’amour et de bonne santé! 


Le Père Noël est-il blanc? A lire ICI



mercredi 30 octobre 2013

Viens chez moi, j’habite chez une mamie!



La délinquance, le vol, l’abus de faiblesse peuvent revêtir de nombreuses formes. On connaissait déjà l’arnaque du faux neveu: une personne, généralement d’Europe de l’est, parlant l’allemand, contacte une personne âgée, seule et isolée et joue la comédie du lointain neveu perdu de vue. La langue allemande sert ici de preuve de parenté et renforce l’illusion du lien de famille. Mais il apparaît bien vite que ce pauvre parent lointain a des soucis d’argent, qu’il est malade, qu’il a besoin d’acheter une villa et la pauvre mamie ou le pauvre pépé qui a le cœur sur la main vole immédiatement au secours de son cher neveu, qu’il n’a jamais vu et qu’il ne reverra bien évidemment jamais. En effet, aussitôt l’argent liquide encaissé - souvent des montants considérables - le neveu retourne dans sa pampa imaginaire et ciao bonsoir! Et voilà les économies de toute une vie envolées en quelques secondes.

Une variante de la fausse familiarité se fait jour et il semble à nouveau que ce soit une spécialité qui nous vient d’Europe de l’est. Des personnes faussement bienveillantes offrent leurs services à des personnes âgées, à nouveau seules, isolées et idéalement souffrant de solitude, en échange d’un toit sur leur tête d’hypocrite. Il peut s’agir de menus travaux, de faire les courses ou le ménage, voire simplement de tenir compagnie. La personne âgée est ravie, elle n’est plus seule et cette personne serviable est si gentille!

Mais il faut bien vite déchanter. L’invité devient petit à petit envahissant, prend des libertés, achète pour quatre en allant faire les courses, utilise le téléphone pour des appels à l’étranger, installe de plus en plus de meubles et de fourbi, commence à inviter ses amis.... La pauvre mamie n’est plus chez elle, mais elle est trop polie et trop gentille pour oser se plaindre. Elle commence à avoir peur de son invité(e) et ne parvient plus à reconquérir son espace. L’incruste utilise la voiture de son hôte, lui emprunte de l’argent, voire se sert carrément dans le portemonnaie. 

La Tribune de Genève a déjà consacré deux articles à ce phénomène (26.9 et 24.10.2013). Une dame de 88 ans a fini par se jeter par la fenêtre de désespoir. Une autre octogénaire a hébergé une femme et son fils pendant cinq ans, à ses frais, bien entendu.


En règle générale, il faut se méfier des inconnus qui sont gentils et qui vous offrent spontanément leur aide sans prétendument rien demander en retour. Les personnes qui vous aident à porter votre valise à la gare vous feront les poches. D’autres, qui aident les personnes âgées à porter leurs courses à la maison, les agresseront aussitôt la porte de l’appartement ouverte. Adieu liquidités et bijoux de famille! La pauvre victime se retrouve souvent frappée et bâillonnée et décède quelques mois plus tard.

Il faut se méfier d’une personne dont on ne sait rien. Quelqu’un que personne d’autre que vous ne connaît. Quelqu’un qui refuse de vous donner le numéro de téléphone d’un proche, au cas où... Quelqu’un dont rien n’est vérifiable, quelqu’un qui vous raconte avoir travaillé ici ou avoir une maison quelque part. Quelqu’un qui a une Jaguar ou un manteau de fourrure, alors qu’elle pleure misère.

Apprendre à vivre seul(e) est difficile à tout âge, mais dans ses vieux jours, ça l’est tout particulièrement. Comment concilier le désir d’avoir de la compagnie et la nécessité impérieuse de se protéger? Comme le veut la sagesse populaire, mieux vaut être seul que mal accompagné. Et comme disent les Américains: You’ve gotta learn to be your own best friend.


A noter qu’il n’est pas nécessaire pour la victime de porter plainte. En effet, elle craint généralement les représailles et reste enfermée dans sa peur. Un voisin, un travailleur social et, bien sûr, les proches, les membres de la famille peuvent alerter la police.

samedi 28 septembre 2013

Vivre dans un labyrinthe


Rue du Village-Suisse
Les autorités de la bonne ville de Genève font de leur mieux pour organiser la vie urbaine de telle sorte qu’il devienne le plus compliqué possible de se rendre d’un point A à un point B. Le réseau des bus et des trams a été remanié – suscitant l’ire et la révolte de la population tout entière – les distributeurs de billets qui ne rendaient pas la monnaie ont été remplacés par des distributeurs qui ne prennent pas les billets de banque et qui mettent environ trois minutes entières à vous donner votre titre de transport, mais uniquement lorsqu’ils ne sont pas en panne. Les trottoirs ont été élargis et les pistes cyclables ont deux voies, une dans chaque sens, afin de rétrécir au maximum l’espace disponible pour la circulation automobile. On obtient ainsi de jolis bouchons, qui deviennent encore plus beaux pour peu qu’il y ait un accident ou une panne quelque part en ville. La solution : n’avoir besoin d’aller nulle part ou seulement tout près et circuler à pied ou à vélo.


Rue du Village-Suisse


Mon quartier a été entièrement reorganisé de sorte à transformer les grands axes en culs-de-sac, en double sens unique voire en double sens interdit. Vous n’avez jamais qu’une seule option aux carrefours : soit tourner à droite, soit tourner à gauche, soit aller tout droit. La rue de la Puiserande est dotée d’un feu rouge qui ne devient jamais vert (c’est fait exprès) : lorsqu’il n’est pas rouge, il clignote et vous pouvez attendre environ une demi-journée avant de parvenir à sortir de là. Entre la moitié et un tiers des places de stationnement ont été supprimées, afin de favoriser les contacts et la convivialité dans le quartier, enfin débarrassé des voitures. En effet, il suffit de supprimer les places de stationnement pour que les automobilistes cessent de tourner en rond pendant des heures à la recherche d’une place de parking. Les habitants, qui paient leur macaron 180,-/an (bientôt 200,-) n'ont qu'à aller dans les parkings payants.
Double sens interdit à la rue du Vélodrome
C’est pourquoi mon sang n’a fait qu’un tour lorsque j’ai constaté, à mon grand désarroi, qu’un segment de rue, occupé pendant environ deux ans par des pavillons scolaires temporaires, n’allait plus jamais redevenir un axe de circulation. Au lieu de revenir au statu quo ante, le parc Gourgas va y être étendu, supprimant ainsi définitivement une vingtaine de places de stationnement et obligeant tout le monde à se rabattre sur l'avenue Sainte-Clotilde, qui reçoit déjà toute la circulation qui ne peut plus aller ailleurs. Ayant contacté les services de la ville, j’ai reçu une réponse environ deux semaines plus tard, mon courriel ayant fait tout un parcours d’un service à l’autre, d’un bureau à l’autre, un peu comme les automobilistes qui cherchent une issue qui leur permette d’aller quelque part.

Espace de rencontre à la rue Gourgas

On m’informe ainsi que "l'autorisation de fermeture de ladite rue en zone piétonne a été accordée par le Département de l'urbanisme en ce début d'année (APA n° 35434) et que cette demande et son acceptation ont fait l'objet de publications officielles. La réalisation de ces travaux se fera conjointement aux rénovations de réseaux en sous-sol prévus dans le quartier dès 2014." Autrement dit, après les pavillons temporaires, nous aurons un chantier pendant un an ou deux, après quoi la rue deviendra définitivement et irrévocablement une extension du parc. Un argument avancé pour la fermeture et suppression de ce tronçon d’une trentaine de mètres est que cela permet d’améliorer la sécurité des chers bambins qui fréquentent l’école attenante au parc. Peu importe que ces enfants doivent forcément fouler les trottoirs urbains pour se rendre à l’école ou à leur cantine à midi, leur sacro-sainte sécurité prime sur le droit d’avancer avec un véhicule.


Suppression utile d'une douzaine de places de stationnement
Pour l’instant, l’espace libéré par les pavillons est désespérément inerte et dépourvu de vie, tout comme un autre bout de rue, adjacent au même parc, qui a été fermé à la circulation afin de créer un espace de rencontre. Il a été condamné à la circulation à l’essai, mais tout indique que ces quelques mètres vont rester désertiques ad vitam eternam, même si aucune rencontre n’y aura jamais lieu.



Bon nombre de rues sont ainsi devenues très calmes, désertes, mortes et vides. Soit parce qu’elles sont inaccessibles ou parce que le gens évitent tout bonnement le quartier, sachant qu’il est devenu un véritable gymkhana (définition: une épreuve réservée à des automobiles ou des motocyclettes, qui se déroule sur un parcours hérissé d'obstacles et de difficultés diverses). Faut-il s’en plaindre ? Sans doute que non. Face à l’adversité, enfourchons notre vélo, même si cela signifie se faire détester de tous : les automobilistes immobilisés haïssent ces créatures ailées qui les dépassent avec autant d’aisance que d’arrogance. La solution idéale ne serait-elle pas de fermer toutes les rues: plus de bouchons, plus de voitures et plus besoin de chercher de places de stationnement. Les enfants pourront aller à l'école en toute sécurité et la ville deviendra un seul et immense espace de convivialité. En un mot: le paradis!

Pendant les travaux, en 2011


Pour info: un nouvel espace convivial et arboré sera aménagé sur l'ilôt Sainte-Clotilde, voir ICI. Un nouveau chantier avec rues coupées en perspective. Ce "lieu de détente, de passage et de convivialité pourra être investi de manière quotidienne ou occassionnelle". Fin des travaux prévue pour 2016.