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jeudi 3 septembre 2015

Restaurant from Hell

Faulty Towers

Aller manger au restaurant devrait être un moment de plaisir, où on se laisse chouchouter et où on se régale de bonnes choses. Ça paraît tout simple, mais réussir une visite au bistrot n’est pas toujours chose aisée.

Tout d’abord, on ne peut pas toujours choisir sa place. J’ai assisté à un ballet surréaliste sur une terrasse à Strasbourg, par une belle journée ensoleillée. Le patron, qui travaillait sans doute autrefois dans une cantine de pensionnat, disait à tous les clients où ils devaient s'asseoir sur sa terrasse: surtout pas à deux tables de quatre personnes, qu’il gardait religieusement pour un hypothétique groupe. Arrivent sept Italiens, qui ont le droit de s'y asseoir. Mais c’était le moment où tout le monde demandait l’addition et le patron garde-chiourme a tant tardé à prendre leur commande qu'ils sont partis. Voilà la pause déjeuner qui se termine et huit belles places en terrasse sont restées vides et interdites aux clients qui ne venaient qu'à deux ou trois (ou pire: seuls !)


Ensuite, les restaurants disco, avec une musique boum-boum, imposée, à plein volume. On y trouve en général des écrans télé sur chaque mur, passant le Top 50, mais qui ne correspond pas à ce qu’on entend. Ou alors le Tour de France ou Roland Garros. Peu importe, personne ne regarde de toute façon.

On retrouve ce même phénomène quand on prend son petit-déjeuner à l'hôtel: la radio est obligatoire, avec l’étape du jour du Tour de France ou l'état des bouchons sur les routes. Avec un peu de chance, la radio est mal réglée et on ne distingue que quelques mots parmi la friture. Même si on voulait suivre les infos, on n'y arrive pas. La radio sert à faire du bruit et rien d'autre. Et si vous avez l’audace de demander qu’on l’éteigne, on vous regardera comme si vous vous étiez échappé de l’asile.

L’enfer des terrasses: des fumeurs à la table d'à-côté. Qui fument entre tous les plats. Qui fument le cigare. Heureusement, plus personne ne fume la pipe. Mais le cigare suffit à vous faire manger à l’intérieur, voire carrément ailleurs.

Si je vois une tablée de gamins, je vais m’installer à l’autre bout de la salle. Car bien souvent, ils hurlent, pleurent, réclament de l’attention et les parents les laissent faire. Dans un passé pas si lointain, les enfants étaient les derniers servis et mangeaient ce qui restait dans les plats. Ils étaient assis à une table à part, parfois même dans une autre salle, voire à la cave. Children should be seen, not heard. C'était le bon vieux temps, on y reviendra peut-être. La génération qui a grandi comme nombril du monde ne tolérera pas les enfants insupportables.

Vient ensuite le dilemme du menu contraint: on ne peut bien sûr pas panacher les menus, mais bien souvent, on ne peut pas renoncer à l'entrée, si c'est quelque chose que vous n'arrivez pas à avaler (comme de l’andouillette), même en promettant de payer le menu au même prix. Après une terrine, même petite, d'andouillette, on n'a tout simplement plus faim. Alors on réceptionne l'entrée, on la touille un peu pour faire plaisir au cuisinier et on attend d'être débarrassé. Tant pis pour la faim dans le monde. On ne peut sans doute pas non plus renoncer au dessert, même si on est au régime ou qu'on est diabétique. Heureusement, de plus en plus de restaurants offrent l'option entrée+plat ou plat+dessert.


Vous aimeriez remplacer le gratin dauphinois par du riz - il y en a avec d'autres plats inscrits sur la carte - mais ce n'est pas possible. Le suprême de poulet sera servi avec du gratin dauphinois, un point, c’est tout! C'est comme ça, sinon c'est l'anarchie!

En France, les restaurants ne proposent que de la viande, de la volaille ou du poisson. Si vous êtes végétarien, passez votre chemin. Idem si vous êtes intolérant au gluten ou au lactose. Les salades contiennent toutes des lardons ou du bacon, ainsi que du fromage.

En voyage dans le Sud-ouest, au sens large, c-à-d tout le quart de la France où les numéros de téléphone commencent par 05, le choix est sérieusement limité au foie gras, aux gésiers et au magret, sous toutes ses formes. Manger de l'oie ou du canard matin, midi et soir finit par être un peu lassant. Vous ne trouverez jamais de choucroute au pays basque ou sur la Côte d'Azur, pour ça, il faut aller en Alsace. On ne trouve pas non plus de couscous, mais c'est sans doute trop connoté.

En France, il n'y a que dans les grandes villes qu'on trouve autre chose que le traditionnel viande-patates. Si vous avez envie de manger thaï ou italien (autre que des pizzas), changez de pays ou allez à Paris ou à Lyon.

Parfois, le service est hyper-lent: il faut attendre 30 minutes avant qu'on ne vous remarque et qu'on vous apporte la carte. Encore 30 minutes pour qu'on passe prendre la commande. Vous demandez des côtelettes d'agneau.... Ah ben, c'est dommage, il n'y en a plus, vous avez trop tardé. Si vous allez seul au restaurant, il ne faut surtout pas lire, car on vous oubliera complètement. Vous pourrez finir Guerre et Paix en toute tranquillité.

de la polenta!
A propos de manger seul au restaurant: on viendra vous retirer votre assiette alors que vous êtes encore en train de mastiquer votre dernière bouchée. Vous occupez deux places et on est pressé de rentabiliser la table.

Venons-en aux plats proprement dits: trop salé, trop cuit, sorti du congélateur puis du micro-ondes. La crêpe froide, donc industrielle, qu'on a oublié de mettre au micro-ondes, nappée d'une sauce chocolat en flacon; les rondelles de bananes sont fraîches, mais uniquement parce la banane refuse de se laisser mettre en boîte ou en tube. Vous commandez des penne au pesto et on vous les apporte carbonara. Les légumes alibi, qui ne servent qu'à décorer l'assiette. En effet, la vraie nourriture, ce sont la viande et les patates.

Les restaurant chics et guindés sont censés être ce qu’il y a de mieux. En ce qui me concerne, trop de cérémonie me coupe l’appétit. Vous aimeriez un peu plus de vin, mais vous devez attendre que le loufiat daigne venir vous servir. S'il est occupé ou qu'il vous oublié, vous n'aurez pas de vin, un point c'est tout.

Downton Abbey
Évidemment, certains restaurants ont tout juste, ce sont ceux qui font tout l'inverse: On respectera votre désir de vous asseoir à-côté de la fenêtre ou sur la terrasse, on n'insistera pas pour que vous preniez un apéritif, on vous apportera la carte assez rapidement.
Si vous mangez seul, on vous laissera tranquille quelques instants à la fin de votre repas.
On vous permettra de choisir un accompagnement qui ne soit pas à base de pommes de terre (vapeur, duchesse, robe des champs, purée, frites, gratin dauphinois). Parmi les desserts, il y en aura quelques uns qui ne sont pas les sempiternels glace, flan, moelleux au chocolat. Les dessert maison, originaux, sont très rares. C'est sans doute difficile à gérer d'un point de vue économique. Le restaurant sympa est celui qui accepte les chiens et où on leur offre spontanément un bol d'eau.

Le festin de Babette
Tous les exemples de service psycho-rigide sont des cas vrais et vécus en France. En Suisse ou ailleurs, on ne prend pas le service au restaurant autant au sérieux. En Suisse allemande, il y a toujours une ou plusieurs options végétariennes, j'ai même mangé un plat de chasse sans gibier: rien qu’avec les accompagnements - spätzle, airelles, châtaignes, poire cuite, chou rouge etc. - il y avait amplement de quoi se rassasier. Il est souvent possible de commander une demi-portion. En Finlande, il y a toujours plusieurs plats sans lactose ou sans gluten. C'est un lourd fardeau à porter que d'avoir la réputation d'être le parangon universel de la gastronomie.

L'aile ou la cuisse

Pour ceux qui voudraient dîner comme à Faulty Towers: ICI


vendredi 24 juillet 2015

Qui a tué le petit commerce ?



De tous temps, j’ai plutôt eu une bonne opinion des syndicats, même s’ils sont à l’origine de grèves qui emmerdent tout le monde. Il m’arrive même de travailler pour les fédérations syndicales internationales, qui prennent la défense de travailleurs vulnérables qui sont au service de grandes multinationales, considérées, de façon pavlovienne, comme des monstres qui exploitent le prolétariat. Les syndicats sont des empêcheurs de tourner en rond, qui, comme toute forme d’opposition, ont au moins le mérite de susciter le débat et de faire bouger les choses, dans le bon sens, peut-on espérer. 

Mais voilà. Il arrive aussi que le syndicalisme se trompe de cible, en prenant aveuglément la défense du pauvre travailleur vis-à-vis du vil employeur, qui est, forcément, une créature dickensienne qui fouette sa main-d’œuvre pour la faire travailler plus dur, tout en la privant de sa dignité d’être humain. Pourtant, combien de fois n’ai-je entendu dire, en conférence, que les PME sont les principales créatrices d’emploi? En effet, sans odieux employeur capitaliste, pas de travail non plus et, par conséquent, pas de revenus pour les gentils travailleurs victimes de la cupidité de leur patron.



Par ailleurs, les jeunes d’aujourd’hui n’ont pas appris à gérer leurs émotions ni leurs frustrations. Tout leur est dû, sur un plateau d’argent, s’il vous plaît, et à la première contrariété, ils explosent, provoquant une avalanche, doublée d’un tsunami. Ils ne discutent pas, ils attaquent. Certains partent même faire le djihad, tellement ils ont la haine. Ils n’ont aucune idée des réalités du monde du travail: il faut se lever tôt, tous les jours, il faut arriver à l’heure et non, on ne peut pas prendre de pauses à tout bout de champ. Et puis, il faudrait travailler aussi.... mais bof.... c’est trop ennuyeux et puis, c’est fatiguant. 


Alors quand ils se font licencier parce qu’ils ne fichent rien et ignorent les instructions de leur employeur, ils s’estiment victimes de la plus grande des injustices. Ils sont incapables de se demander si leur licenciement pourrait, éventuellement, être la conséquence de leur attitude au boulot et de faire le lien entre la cause et l’effet. Et, au lieu d’en parler, au lieu de discuter ou de dialoguer, ils vont pleurer dans le giron du syndicat, qui volera immédiatement au secours de ces pauvres chous sans défense, sans douter un seul instant de leurs dires, ni vérifier si leurs accusations sont fondées.

C’est ainsi qu’un tout petit patron, qui a de la peine à survivre face aux loyers qui explosent et face à la concurrence féroce du e-commerce, reçoit, début décembre pour des faits remontant à la deuxième moitié du mois de novembre, un courrier comminatoire l’accusant de «faits pénalement répréhensibles» et le sommant de se présenter à une séance de conciliation, avec ordre de donner réponse dans les trois jours. Le syndicat refuse de se rendre compte que le petit patron devra fermer boutique pour répondre à ces injonctions, étant donné qu’il ne peut pas s’absenter de son poste, contrairement à bon nombre de salariés et contrairement au secrétaire syndical, dont c’est le boulot.



Lors de la séance de conciliation, on comprendra rapidement que «les faits pénalement répréhensibles» ne sont que le fruit de l’incompréhension des quatre jeunes (de 19 à 27 ans) qui attaquent celui qui était leur ami encore quelques jours plus tôt. Ils accusaient leur patron de ne pas payer leurs charges sociales, croyant sans doute que ces charges sociales viendraient s’ajouter à leur salaire. Cela a permis de découvrir que l’un d’entre eux, qui pleurait à chaudes larmes parce que son patron ne respectait pas une loi dont celui-ci ignorait l’existence, était plutôt en situation indélicate lui-même – mais nous ne nous étendrons pas sur le sujet.

Le patron sera alors le seul à se faire remonter les bretelles et il fera ce qu’il faut pour se mettre en règle. En effet, il ignorait que la Convention collective de travail (CCT) pour le secteur de la vente de détail, négocié entre les syndicats et les mastodontes du commerce de détail (Migros, Globus et consorts), s’applique exactement de la même manière aux petits commerces de quartier. Personne ne l’en a informé, mais nul n’est censé ignorer la loi. Le citoyen lambda qui essaiera de se renseigner découvrira qu’un arrêté d’extension est entré en vigueur le 1er octobre 2014, mais ça signifie que la CCT s’appliquait à tous les commerces déjà bien avant cette date. Logique et parfaitement clair. 



La CCT impose un salaire minimum obligatoire, pourtant refusé en votation populaire au printemps 2014, précisément parce que cela allait pousser les petits exploitants et les petites entreprises à la faillite. La CCT augmente ce salaire minimum chaque année, le but étant de parvenir à 4000,-/mois en 2018, auxquels il faut ajouter les charges sociales, qui augmentent proportionnellement. Autant dire que tous les petits commerces auront disparu d’ici-là, la tendance est déjà clairement visible.

Avec l’extension de la CCT, une Commission paritaire syndicats-employeurs a été créée, dont le but est de surveiller les employeurs et les entreprises. Les travailleurs, quant à eux, sont forcément purs comme la blanche colombe qui vient de naître.

Du fait de cette même CCT qui a force de loi, il n’existe plus de petits boulots d’étudiants. Les gamins n’ayant aucune expérience du monde du travail doivent être rémunérés exactement de la même manière que des adultes responsables et mûrs. Faut-il dès lors s’étonner que personne ne souhaite les embaucher? Sachant, de plus, que ces jeunes enfants gâtés iront vous dénoncer au syndicat dès le moindre malentendu. On feint ensuite de s’étonner face au phénomène du chômage des jeunes. Evidemment qu’ils arrivent dans le monde professionnel sans avoir la moindre idée de quoi que ce soit, comment pourrait-il en aller autrement?   

A l’avenir, nous irons faire nos courses chez Migros, Manor et Interdiscount, sur amazon et eBay. Les grands magasins ont des pointeuses qui décomptent les arrivées tardives et les pauses cigarette, ils ont aussi des départements juridiques capables d’affronter le syndicat. Quant au e-commerce, fini les flâneries et les achats sur impulsion, les surprises qu’on découvre au hasard d’une vitrine. Finie l’animation dans les quartiers, les arcades seront remplacées par des bureaux ou par Starbucks & C°.

Et si d’aventure vous étiez tenté d’engager du personnel, soyez prudent ! Il est moins risqué de tuer quelqu’un en roulant bourré (l’ébriété étant considérée comme une circonstance atténuante) ou encore de dealer de la coke (il suffit de perdre ses papiers et on vous relâchera illico). Il est aussi recommandé d’engager un juriste et un comptable, afin de ne pas se tromper dans le calcul des charges sociales, des vacances, du 13ème mois, de la LPP et n’oubliez surtout pas l’assurance perte de gain en cas de maladie, sinon, vous vous ferez taper sur les doigts !



A noter que les kiosques ne sont pas tenus de l’appliquer, ce qui explique leur prolifération. Les accordeurs de piano non plus…




Un SMIC à 3300 euros, le point de vue français : ICI

Même Migros et Globus tirent la langue: ICI

Les Suisses disent non à 76% au salaire minimum : ICI
« Les milieux économiques, le gouvernement et les partis de centre et de droite ont au contraire fait valoir que ce salaire minimum, «le plus élevé du monde», n’aurait pas été supportable pour de nombreuses entreprises. Celles-ci auraient été contraintes de se restructurer, de délocaliser à l’étranger voire même de mettre la clé sous la porte. »

CQFD

Voir aussi: Une ville en voie de disparition